[ Point de vue] Réussir le travail à distance : trouver sa place et définir les limites

Par Isabelle Matton, associée Part-time eXecutives

Réussir le travail à distance : trouver sa place et définir des limites.

Au-delà de la difficulté à piloter et évaluer l’activité des salariés ainsi que leur l’implication quand le travail s’effectue à distance, les dirigeants et managers sont préoccupés par le temps qu’il faudra allouer à la communication avec leurs équipes : Comment animer, coordonner, superviser, mobiliser, entretenir des relations sociales de qualité, tout en perdant la circulation spontanée de l’information, la proximité voire promiscuité avec les collaborateurs et la facilité d’intervention collective ? Comment éviter le ressenti d’isolement ou d’abandon tant pour le manager que le collaborateur ?

Ce n’est pourtant pas complètement nouveau : Les ESN sont confrontées depuis longtemps déjà à la difficulté d’assurer un suivi de qualité et bien ajusté de leurs consultants en mission longue durée (en régie) chez un client. La régularité des rendez-vous avec un interlocuteur dédié et des liens avec l’entreprise mère (informations, évènements etc..) restent les meilleurs moyens de garder le contact et de fidéliser.

Derrière l’injonction à l’autonomie, la flexibilité organisationnelle et spatiale entre en collision avec la notion de fiabilité individuelle, devenue récemment l’un des critères phares d’éligibilité d’un salarié au télétravail. Une fois le travail à distance accordé, le contrôle peut venir ébranler une valeur fondamentale : la confiance. Le doute vient biaiser les relations manager/ employé. C’est un nouveau combat qui se joue : occuper la place, se rendre visible alors qu’on ne l’est plus. Certains vont raréfier les pauses, les légitimant parfois par l’opportunité pour certain-e-s d’accomplir des tâches domestiques (quel repos !). Le fameux droit à la déconnection mis en place relativement récemment peut aussi être mis à mal ; certains employés cherchant à prouver leur implication, voire dévouement, restent disponibles au-delà de leur temps de travail officiel. Les frontières entre la vie privée et la sphère professionnelle se floutent…gérant de l’inconfort.

Le télétravail peut être mal vécu dans l’entreprise en raison de la nature même de la relation qui existe entre un collaborateur et son manager. Le manager se sent responsable de son collaborateur et souhaite par conséquent absolument être en mesure de le contrôler/superviser/surveiller, à fortiori s’ il ne le voit pas et ne l’entend pas. Cette incapacité à observer et/ou pouvoir contrôler physiquement les choses induit une amplification irrationnelle et inconsciente du besoin de contrôle et de surveillance – le manager souhaite avant tout être rassuré. Le collaborateur, quant à lui, réagit en réponse excessive de la même façon … il n’est plus visible donc il n’existe plus alors il doit sur-exister en amplifiant les signaux témoignant de sa présence et de son travail – résultat : il travaille plus et ressent plus de stress et de pression que s’il était physiquement au bureau. La pause-café qu’il prenait volontiers au bureau sans se soucier de son manager devient une source de culpabilité. Ce comportement peu rationnel est avant tout le résultat d’une culture très ancrée dans le monde de l’entreprise en France et en Europe : la culture des moyens plutôt que des résultats. Le manager contrôle la présence et le temps de travail donc le moyen car il a finalement assez peu de leviers directs sur le résultat. La culture anglosaxonne est, quant à elle, beaucoup plus orientée sur les résultats => ce qui explique pourquoi le travail à distance et beaucoup plus développé aux Étas-Unis et aux Pays-Bas par exemple. Dans la culture anglosaxonne le manager et l’employé se soucient surtout des résultats obtenus.

Qu'en est-il des travailleurs indépendants ?

Le travail à distance est également usuel pour les managers à temps partagés et les managers de transition.

L’une des consultantes de Part-time-eXecutives mettait en avant à une cliente prônant le présentiel, l’avantage de travailler en distanciel régulièrement pour pouvoir se concentrer et être davantage efficace en contrôlant les moments où elle pourrait être dérangée.

Pour d’autres de nos consultants, il s’agit également d’un confort personnel, d’un gain de temps et un moyen de réduire l’impact carbone. Le bénéfice pour la famille et l’employeur est gagnant-gagnant. Les eXecutives managers font souvent des missions à distance de leur domicile ; pouvoir télétravailler leur permet d’avancer sur leurs projets, tout en organisant des entretiens ou réunions à distance et d’éviter un temps de trajet parfois à l’empreinte carbone élevée. La possibilité du travail à distance leur permet d’avoir accès à des clients nationaux plutôt que locaux.  Et vice versa pour les clients à qui nous pouvons proposer un profil parfait, même s’il réside plus loin.

L’avantage que ces managers à temps partagé ont, c’est qu’ayant fait le choix de ce mode de travail, ils ont investi pour se créer un espace calme et ergonomique chez eux, contrairement à certains salariés qui ont dû improviser un espace de travail sans vraiment de moyens, dans l’espace privé.

Certains Office Manager travaillent exclusivement depuis leur domicile. C’est un choix motivé par la qualité de vie visée.

Les rapports hiérarchiques n’existent pas puisqu’il s’agit d’une relation d’un expert (ou sachant) à un client, relation imprégnée de la valeur liberté. Le travail à distance est devenu banal.

Cette absence de rapport hiérarchique libère le manager de son carcan de surveillant/superviseur. Le manager attend des résultats de la part de l’expert intervenant qu’il considère comme parfaitement autonome et en capacité de réussir la mission qui lui a été confié – dans ce cas « l’habit fait le moine » ou plus exactement « la fonction fait l’individu ». Le manageur se sent moins responsable car ce n’est pas SON collaborateur mais un intervenant externe. La nature même et la position de l’intervenant externe qui facture l’entreprise induisent une modification de comportement dans la manière de contrôler. Le manageur devient un client à l’égard de l’intervenant. Il s’intéresse donc surtout aux résultats produits par l’intervenant qu’à son temps de présence au sein de l’entreprise. De son côté l’intervenant est un professionnel de la prestation. Il maîtrise son sujet et s’attache avant tout à produire les résultats attendus afin de d’atteindre l’objectif de la mission (culture du résultat). L’intervenant sait qu’il sera jugé sur ses résultats et sa performance et non sur son temps de présence au bureau. Ceci est d’autant plus vrai que l’intervenant facture au temps passé.

Le travail à distance, pour être réussi, doit être assumé, basé sur une confiance réciproque et des modalités très claires de communication. Le consentement est un prérequis pour que ça fonctionne. Charge à l’employeur de mettre en avant les effets positifs et de recueillir le besoin de chacun de ses salariés pour que cette modalité de travail soit une réussite pour les deux.

Bien évidemment, rien ne remplacera jamais une rencontre et un échange où chaque interlocuteur a véritablement accès une certaine forme d’authenticité non filtrée par un écran. Comment sentir un climat social pour un-e DRH fraichement arrivé-e, ou s’imprégner des valeurs d’une entreprise, auditer un service et son fonctionnement, sans être sur place, au cœur de l’entreprise ?

La de-spatialisation de l’activité professionnelle existe grâce au progrès des outils permettant de se connecter depuis quasi n’importe où, il est nécessaire de savoir poser ses limites temporelles pour ne pas laisser le temps professionnel envahir celui du personnel et prendre en compte notre besoin, celui de partager une pause autour d’un café avec un collègue, de travailler au sein de son équipe pour resté motivé au long de la journée, celui d’avoir de facto la facilité de compartimenter ses espaces (pro. et perso) etc..

Pour conclure

Nous sommes des êtres de lien, et la recrudescence des réseaux sociaux en période de confinement en est une des manifestations, certes tronquée : si tu me « vois », tu me reconnais et j’existe, alors je me montre… Se rendre visible pour avoir une place au sein d’un groupe, de la société, des siens… ce n’est pas se rendre indispensable, d’ailleurs qui l’est ?

En revanche, légitimer ma place au sein de l’entreprise parce que je contribue à son fonctionnement, que ce soit en présentiel et ou en distanciel, par mes réalisations ou par la qualité des relations que j’entretiens, oui, ça a du sens ! Libérez-vous du regard de l’autre, et rejoignez la place sur mesure faite pour vous : celle où les conditions pour vous sentir bien et efficaces sont réunies.

Si vous aussi, vous souhaitez intégrer un manager Part-time eXecutives au sein de votre entreprise

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